Sur la très finistérienne île de Sein, je commencerais presque à avoir mes petites habitudes. J'avais déjà consacré un petit article à cette île ici, puis un autre ici. Trois escapades faisant marcher les souvenirs d'une balade à l'autre, et pourtant, trois escapades uniques en leur genre à chaque fois.
Ils doivent se compter sur les doigts d'une main, ces lieux où je suis venue et revenue inlassablement. Je n'ai pas été marquée comme d'autres par des vacances d'été passées chaque année de l'enfance dans un même endroit où on refait le monde avec les mêmes amis, où on se voit grandir ensemble, un petit coin secret qu'on fait revivre à coups de grillades et de rires, où on retrouve tous les ans la promesse de ces "à l'année prochaine !".
Mais il y a l'île de Sein, maintenant, où, l'air de rien, je commence à me fabriquer des souvenirs.
Je me perds toujours autant dans les sinueuses ruelles de l'île - et j'espère continuer à m'y perdre encore longtemps - mais retomber sur le bleu d'un volet qui avait attiré mon regard la fois précédente donne un charme nouveau à la visite. C'est comme un doux clin d'oeil qu'on se ferait.
Cette fois-ci, j'ai dormi sur l'île. Je m'y suis réveillée. Je m'y suis réveillée en même temps que l'aube avec la drôle impression de ne pas être tout à fait sur la terre ferme. À six heures trente, j'ai enfilé une petite laine et suis presque sortie sur la pointe des pieds. Si vous venez à Sein, vous serez surpris par le silence qui règne à votre arrivée, je crois que tout le monde connaît cette impression. Au petit matin, ce sentiment n'en est que plus fort, sur l'île. Tout juste y'a-t-il le café qui commence à s'installer, deux pêcheurs qui mettent leur annexe à l'eau et commencent à godiller à l'unisson avec ce coup de main fascinant qui leur fait fendre l'eau en traçant consciencieusement des huit à sa surface. La mer est d'huile, ils vont se suivre sans se dire un mot sous mes yeux.
Je savoure une lumière que je n'ai jamais pu connaître par ici auparavant, le premier bateau n'arrivant du continent qu'à dix heures - c'est celui que je prends d'habitude. Je découvre donc pour la toute première fois à quoi ressemble l'île de 6 h 30 à 10 h, et j'ai l'impression de lui appartenir un peu plus, avant que son flot de visiteurs du jour ne débarquent sur ce même quai quelques heures plus tard.
L'île a pris ses couleurs d'été, elle est plus animée, plus habitée. Seules 140 personnes vivent encore sur l'île. L'été, ceux qui ont fait le choix du continent reviennent sur leur "caillou" (c'est le surnom qu'on donne à cette île qui émerge à peine de l'eau) de coeur. Il y a des enfants, beaucoup, les pieds dans l'eau, et l'île, silencieuse, devient joyeuse.
Pour prendre un peu de hauteur, tout l'été, le Grand phare est ouvert aux public. 270 marches plus tard, la vue est à couper le souffle et, si haut, on se sent tout petit. D'ici, à l'extrémité de l'île, on peut embrasser tout ce petit monde du regard. C'est de là aussi qu'on réalise comme l'endroit est fragile, à se confondre à ce point avec le niveau de la mer.
Par temps clair, on peut apercevoir au loin le mythique et terrible phare d'Ar Men, éternelle première victime des tempêtes.
Au pied du phare, complètement isolée, la petite chapelle Saint-Corentin
Quelques petites informations pratiques :
- Comment s'y rendre :
Les départs se font via la compagnie Penn Ar Bed depuis le port d'Audierne. La traversée dure environ une heure. Je vous conseille de vous asseoir du côté droit du bateau pour pouvoir admirer la Pointe du Raz, le Phare de la Vieille et la Tourelle de la Plate. Ces deux-là nous réservent un ballet magnifique à mesure qu'on les devance et qu'ils finissent par ne presque plus faire qu'un. Pour un peu qu'une discrète brume s'invite à la fête, il n'y a pas de mot pour décrire la beauté du spectacle qui s'offre à nous.
- Où manger :
J'ai mangé des choses délicieusement bonnes à la terrasse du jeune restaurant Le Tatoon, qui, en toute logique, axe principalement sa cuisine autour du poisson. Sans compter que le moelleux au chocolat est à tomber par terre...
- Que faire :
Sur l'Île, par je ne sais quel étrange écrasement du temps, mon corps et ma tête se mettent automatiquement à fonctionner avec lenteur. Tout est calme, quiétude, et il est bon, à Sein, de prendre le temps, justement, de ne rien faire, mais de le faire d'une multitude de manières différentes. De s'asseoir sur les murets des quais, de regarder le Soleil jouer sa libre partition sur la mer et la voir changer de nuances à chaque heure du jour. De parcourir la lande et d'aller se perdre parmi les rochers. De manger des crêpes, bien sûr. De déambuler dans les ruelles en saluant les habitants croisés sur notre chemin. Pour une fois, prendre le temps de contempler, et s'en contenter.
En outre, l'île propose en ce moment une très riche exposition - "Résister !" - dans son musée L'Abri du marin. J'y ai appris que l'île de Sein avait été une des cinq communes françaises à répondre à l'Appel du Général de Gaulle en 1940. Le 1er étage du musée est le plus intéressant à mes yeux, car les conservateurs ont eu la bonne idée de croiser au maximum les supports, mêlant lettres manuscrites, témoignages vidéo, dessins à la plume, carnets de bord, photographies... Outre le devoir de mémoire, l'exposition en dit beaucoup sur le très fort sentiment d'attachement des Sénans à leur île, qu'on peut instantanément observer lorsqu'on pose le pied sur "le Caillou". Les patronymes qu'on relève sur les documents d'époque sont les mêmes que les noms de famille des habitants actuels, et on comprend mieux, alors, cette appartenance viscérale des îliens à leur petit bout de terre. Je n'ai pas connu beaucoup d'autres endroits où il existe une telle adéquation entre un espace et sa population, et cela contribue à n'en pas douter à façonner cette atmosphère si vibrante et si rare qui règne sur l'île de Sein.
Je me revois à la place de tous ces enfants jouer aux même jeu qu'eux, à cet endroit précis. J'ai passé de nombreuses vacances là-bas, grâce à mon grand père qui y avait une petite maison. Les journées était rythmée par les marées, le coucher du soleil et la venue des cousins. C'était magnifique !
RépondreSupprimerTu m'as donné envie d'y retourner, en tant que visiteuse pour re-découvrir cette île grandiose !
Corinne
Je n'imaginais pas que cet article trouverait à faire écho à ce point auprès de quelqu'un qui passerait par là pour me lire. Rien ne pouvait me faire plus plaisir.
SupprimerAh, la Bretagne... toujours aussi belle et encore plus à travers ton regard de photographe ! Tu me donnes envie d'aller sur l'île de Sein... Tout y a l'air si doux.
RépondreSupprimerL'été, davantage. L'hiver, elle est beaucoup plus rude, plus écorchée (mais tout aussi belle), contrairement à certaines de ses voisines bretonnes.
SupprimerL'île a l'air complètement hors du temps, la vie y a l'air douce, paisible et reposante.
RépondreSupprimerC'est une île au climat un peu "rude", en réalité, une île un peu caractérielle, qui ne se laisse pas amadouer tout de suite, mais ça fait partie de son charme, assurément !
SupprimerJe crois que ça me plaît quand même, une île caractérielle.
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