Ces derniers jours, je me suis sentie toute petite, me
suis repliée, recroquevillée, me suis désolée devant l’innommable. J’ai dessiné
n’importe quoi, n’importe quand, n’importe comment, frénétiquement. Des choses
banales et souvent sans intérêt. J’ai trouvé cela très creux et inutile.
J’ai voulu serrer très fort Paris dans mes bras, moi qui
en étais loin dimanche.
J’ai souhaité très fort pouvoir
faire quelque chose, me suis replongée dans les dessins de Cabu, notamment, n'ai pas pu ôter son sourire d'enfant de ma tête, j’ai gesticulé, dessiné des symboles, gommé ces symboles, m’en suis voulu de
les ériger malgré moi au rang de symboles, ces dessinateurs « bêtes et
méchants », ces gens qui voulaient seulement dessiner dans leur coin, fuir
les métaphores, toujours, et démonter frontalement les extrémismes dans le
blanc des yeux, sans fioritures bien qu'il ait toujours été plus prudent de dire les choses avec des gants.
Je les ai vus soudain beaucoup
plus grands encore que ce qu’ils se défendaient d’être, je n’ai pas pu
m’empêcher. J’ai voulu me forcer à ne pas y recourir, aux métaphores, à ne pas
transformer Charb, Cabu, Wolinski, Tignous, Honoré et les autres en étendards
de quoi que ce soit, à ne pas céder à ça, ne pas forcer sur la charge
symbolique, voyant bien l’incohérence avec l’esprit même de Charlie Hebdo. M'en tenir au fait qu'ils n'étaient plus là. Au rassemblement, j'ai gardé les lèvres serrées pendant que s'élevait la Marseillaise. J’ai
voulu me contenter de trouver tout ça désolant. Tout ça, tous ces horribles événements à ricochets. Désolants, abjects et tristes à mourir.
Mais c’était trop dur de s’en tenir à cela.
Alors face à cette gigantesque
vague d’amour partout en France et ailleurs dans le monde, à travers les
différents rassemblements et marches pour la liberté, ce dimanche 11 janvier 2015, j’ai fini par ouvrir les
vannes aux métaphores, à me dire que nous avions finalement tous le droit de
vouloir nous donner du baume au cœur, que c’était même vital pour continuer à
créer, dessiner, écrire, rire et aimer, « nous aimer à tort et à
travers », comme le génial François Morel dit toujours aussi génialement
les choses. Et là, je me suis laissée envahir par un petit peu d'espoir.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire