La broderie, paradoxe de mes impatiences
J'adore lire vos retours quand je publie un nouveau dessin brodé, que ce soit ici, ou bien sur mon compte Instagram, où vous êtes généralement plus bavards. Après avoir consacré beaucoup de temps à une broderie, dans des conditions parfois monacales (!), le moment de la partager est toujours important pour moi (un peu stressant également, sûrement par crainte de ne susciter aucun intérêt avec mes créations).
C'est le moment où je sors de ma "solitude créative", et où je me nourris de vos petits mots pour repartir remplie d'enthousiasme vers un prochain dessin brodé.
Parmi vos retours, je crois que c'est le sujet de la patience qui revient le plus souvent. Vous m'écrivez que VOUS, vous n'auriez pas la patience. Que vous aimeriez bien vous y mettre, mais que vous êtes bien trop impatients pour cela.
Ca me fait généralement sourire de lire cela, car, sans le savoir, assurément, c'est à une impatiente que vous vous adressez.
Oui, la broderie prend du temps
Oui, la broderie prend du temps, énormément de temps pour la plupart de mes ouvrages, qui m'accompagnent souvent pendant plusieurs semaines de travail.
J'aime me fixer des challenges, viser de nouveaux rendus dans la texture de mes points. Parfois ces broderies-là me paraissent sans fin, et je peux me demander ce que je suis venue faire dans cette galère (je me le suis demandé en brodant la toque du chien sur ma broderie british de la semaine dernière !).
Ce sont des heures de travail difficilement quantifiables, dont je perds le fil à mesure qu'elles s'écoulent. C'est le challenge qui me fait m'accrocher, et puis, paradoxalement, c'est l'impatience, aussi, celle de voir mon dessin prendre vie sur le tissu.
Car je suis bien une impatiente, une calme impatiente, une contemplative, mais une impatiente quand même, et j'ai voulu vous en faire la liste dans cet article. Comme quoi, ces petites impatiences du quotidien ne nous rendent pas forcément incompatibles avec une activité minutieuse comme la broderie (j'en suis la preuve).
La liste de mes impatiences
(liste non exhaustive)
- Je suis impatiente que le feu passe au vert.
- Je déteste perdre mon temps derrière un tracteur sur une route départementale.
- Je suis impatiente que les choses changent.
- Je suis impatiente de trouver l'ouverture facile (qui étonnamment, me semble souvent difficile) de divers contenants alimentaires.
- Je n'ai pas la patience pour ouvrir un colis correctement (tout ce ruban adhésif, mince alors !), je le fais souvent très vite, tout de suite et très mal, alors qu'il me suffirait d'aller chercher une paire de ciseaux pour m'aider.
- Je suis impatiente de partager avec vous le résultat de mes broderies. Une fois sur deux, je suis mécontente de mes photos, je trouve que je les ai bâclées, et je n'ai malgré tout pas le courage de reprogrammer une petite séance photo réalisée dans les bonnes conditions. C'est sûrement une des impatiences qui me chiffonnent le plus, car c'est dommage de bâcler les photos d'une broderie à laquelle j'ai consacré quelques dizaines d'heures...
- Je n'ai pas la patience de respecter les conseils avant de terminer de peindre un mur. Si la notice d'utilisation préconise un temps de séchage de plusieurs heures entre couches, il est fort probable que je réduise ce créneau de moitié. Ceci vaut aussi pour l'attente nécessaire entre une couche de peinture et le passage d'un vernis final, et tellement d'autres choses du même registre...
- Je suis impatiente d'aller au bout d'une recette. A ce titre, je déteste lire dans mes livres de cuisine : "laissez reposer la pâte deux heures".
- Il m'est difficile de prendre mon mal en patience dans les embouteillages.
- Je n'ai pas la patience d'attendre à la caisse / à la Poste, alors j'essaye de n'y aller que dans les heures creuses.
- Je n'ai pas la patience d'attendre des heures devant une salle de concert.
- Je suis impatiente de trouver ce que je ferai quand je serai grande.
- Je déteste patienter en ligne avec des opérateurs divers (mais je pense que cette aversion est universelle, non ?)
- Si j'ai une idée de broderie en tête, je n'ai pas la patience d'attendre d'avoir le bon matériel avant de m'y lancer, et je m'y attèle souvent malgré tout avec un plan B (une mauvaise couleur de fil, par exemple, parce que je suis partie en week-end en n'emportant que quelques couleurs, et que je suis trop impatiente de commencer pour décider de reporter mon projet).
- Je n'ai pas (toujours) la patience de laisser sécher suffisamment mes gravures. Ce qui m'a valu quelques réalisations gâchées, rangées trop vite, l'encre de l'une étant venue imprégner le papier d'une autre…
Pourquoi la broderie, alors ?
Je pense que ce n'est pas un hasard si j'ai précisément choisi deux activités artistiques très chronophages : la broderie et la gravure. Aucune des eux ne se jouent sur le terrain de l'immédiateté. Il faut attendre, accepter que le résultat soit différé dans le temps.
Il faut donc prendre sur soi, et en cela, je pense que la broderie peut justement faire du bien à tous les impatients, au même titre que le tricot, que le yoga, que la méditation, car c'est un apprentissage à part entière, de la gestion de la frustration à celle de l'impatience. Elle amène une mise en perspective de ce qui est vraiment essentiel.
Surtout, je crois que nous sommes tous aujourd'hui des impatients. Nous vivons dans une société qui nous conduit à l'être, une société du zapping, du tout compris, du multitasking, de l'hyperconnexion. Face à cela, il me semble que nous sommes de plus en plus nombreux à rechercher quelque chose à contre-courant de nos rythmes de vie souvent infernaux, qui nous permette de ralentir, qui nous recentre et nous calme de nos impatiences. Le phénomène "slow life", dont on entend régulièrement parler résulte de ce besoin-là.
Surtout, je crois que nous sommes tous aujourd'hui des impatients. Nous vivons dans une société qui nous conduit à l'être, une société du zapping, du tout compris, du multitasking, de l'hyperconnexion. Face à cela, il me semble que nous sommes de plus en plus nombreux à rechercher quelque chose à contre-courant de nos rythmes de vie souvent infernaux, qui nous permette de ralentir, qui nous recentre et nous calme de nos impatiences. Le phénomène "slow life", dont on entend régulièrement parler résulte de ce besoin-là.
Broder, précisément, quand on est un(e) impatient(e), c'est se faire une raison sur ses impatiences. C'est apaiser toutes les autres, se dire que si on est capable de consacrer tant d'heures à un ouvrage, on peut bien laisser filer les choses sans pester dans les embouteillages.
Broder, c'est contredire ses impatiences.
Alors j'espère qu'avec ces quelques confessions de l'impatiente que je suis, j'aurai peut-être convaincu un tout petit peu celles (et ceux ?) qui pensent que la broderie, "ça n'est pas pour eux".
Je compatis : je suis impatiente aussi dans le vie quotidienne mais j'apprends (grâce aussi à mon petit garçon)
RépondreSupprimeret je me suis mise à la broderie mais je t'avouerai que l'ouvrage est quasiment fini j'ai vraiment hâte de le voir terminé..
bonne broderie
marie
j'adore vraiment les tiennes
Ah oui, c'est toujours dans la dernière ligne droite qu'on a l'impression qu'on ne terminera jamais !
SupprimerJe veux bien croire que les enfants nous sont une école de la patience ! :)
Merci beaucoup pour ton petit mot Marie, à bientôt
et il n'est pas toujours facile de les mettre en avant en photo, je galère souvent :)
RépondreSupprimerAvant de commencer le crochet il y a presque 4 ans, j'étais une grande impatiente aussi. Grâce au crochet (et également à une autre raison plus personnelle), j'ai appris malgré moi à avoir plus de patience avec les choses (avec les gens c'est une autre histoire, ahah). Il y a quand même des petites situations qui font de moi une impatiente, comme attendre que l'eau du thé bout (sinon je l'oublie...) ou comme toi pour les photos des réalisations... Bon et puis, c'est pas comme si j'apprenais le violon depuis 2 semaines, hein ?! ;D
RépondreSupprimerEn tout cas, merci pour cet article qui peut donner du courage aux impatient(e)s de se lancer !