Broderie WOMEN
Le 8 mars dernier, journée internationale de lutte pour les droits des femmes, j'ai publié cette broderie sur mon compte Instagram. Un clin d'oeil lointain à cette image célèbre d'une ouvrière américaine de la Seconde Guerre mondiale, manches remontées et poing levé pour participer à une campagne de remotivation des salariés et inciter les femmes à participer à l'effort de guerre, sous le slogan "We can do it!". Célèbre image, que l'on connait tous aujourd'hui, devenue symbole du féminisme depuis plusieurs décennies.
Je m'étais abstenue jusque là de porter une réflexion sur le paradoxe ou non de publier une broderie à l'occasion de cette journée, mais j'avais envie de m'y attarder un peu aujourd'hui dans cet article.
La broderie, un "ouvrage de dame" ?
La broderie, au même titre que des activités comme le tricot, la couture, le crochet..., a longtemps été catégorisée comme un ouvrage typiquement féminin, au même titre que tous les travaux d'aiguille, et je pense que le cliché est encore largement répandu aujourd'hui. Plus fin, plus minutieux, ce genre d'activité correspondrait mieux à la "sensibilité" féminine, tandis que les travaux de gros oeuvre seraient plus adaptés aux hommes...
Au cours du XXè siècle, la pratique de la broderie a d'ailleurs globalement décliné à mesure que les femmes s'emparaient des plus grandes luttes de société, pour une question de priorités, et sûrement aussi de cohérence avec leurs revendications, en rejetant les travaux d'aiguille auxquels on les cantonnait depuis des lustres.
Bien sûr, la broderie fait un retour en force depuis quelques années, et même si elle me parait souvent encore un peu désuète lorsque je parcours les rayons consacrés des librairies, au fond de moi, je sais bien qu'elle a changé, et qu'elle peut être terriblement moderne, même un peu rock'n roll.
Pour autant, je dois dire que moi-même - c'est une erreur je le sais - je n'assume pas toujours de broder pendant mes voyages en train, et j'hésite parfois à sortir un ouvrage en cours de mon sac, selon ce que je perçois dans le regard de mes voisins de train.
Je le regrette car j'ai conscience que, sous couvert de refuser de participer à perpétuer le cliché, je m'interdis de fait de contribuer à le déconstruire. Sans doute que je ne m'en sens pas capable dans le cadre de ces voyages en train, avec l'immédiateté de l'image d'une femme oeuvrant sur un cercle à broder, qui renvoie précisément à celui qui ne veut pas changer de vision du monde ce qu'il veut voir, et qui le conforte dans sa représentation très genrée (et sexiste) des choses.
Une broderie moderne
Sans doute que je préfère oeuvrer à le déconstruire en coulisses, ce cliché, à ma manière, à travers ce blog, à travers mes partages sur Instagram, en m'inscrivant vigoureusement dans ce créneau de la "broderie moderne", qui contredit l'image qu'on pourrait encore se faire de cette activité.
Oeuvrer à le déconstruire en répétant que je brode moins que je dessine, et que la broderie n'est autre qu'une manière pour moi de dessiner avec du fil. Qu'en cela, la broderie peut tout dire, tout exprimer, véhiculer tous les messages possibles, se faire poésie, subversive, bousculer les codes, et même, pourquoi pas, se contenter de "faire joli", car il n'y a rien de mal à ça non plus.
Je rebondis d'ailleurs sur un article que j'ai lu récemment sur Marie Claire Idées, et qui met précisément en avant ce caractère militant qui peut accompagner la broderie, comme n'importe quel autre médium artistique, dès lors que des artistes décident de s'en emparer pour porter leur message.
La broderie ouverte à tous
Et puis, je ne peux pas m'abstenir de penser que c'est à Pascal Jaouen, célèbre brodeur et styliste breton, un HOMME, donc, que je dois mon déclic de la broderie.
Sur Instagram, je vois également d'un très bon oeil se développer les comptes de comparses brodeurs masculins, comme celui de _charleshenry_, ou de Jamie Chalmers, plus connu sous le nom de mrxstitch.
Alors voilà, je lui souhaite encore de belles heures, à la broderie, loin des clichés, des préjugés, futile et sérieuse à fois, simplement à l'heure avec son temps.
Cet article semblera peut-être quelque peu maladroit et/ou décousu, mais j'ai vu tant de choses publiées à l'occasion de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, que j'avais envie d'étayer un peu par ici ma propre publication Instagram de la semaine passée.
Références des points et fils utilisés :
Pour le reste, histoire de ne pas perdre les bonnes habitudes, je vais quand même vous renseigner sur les couleurs et points utilisés pour ce dessin brodé :
- "women" : point de tige, 1 fil, DMC 310.
- contours du visage et cheveux : point arrière, 1 fil, DMC 310.
- foulard : passé plat empiétant, 2 fils, DMC 347, et pois réalisés au point de noeud, 2 fils, DMC blanc neige.
- cadre jaune : point de tige, 1 fil, DMC 727.
- Contours chemise : point de tige, 1 fil, DMC 794.
J'espère vivement que cet article vous aura intéressés. N'hésitez pas à livrer votre point de vue et échanger sur la question avec moi en commentaire, je serais très curieuse de connaître votre avis à ce sujet.
super broderie
RépondreSupprimerMerci beaucoup ! :)
SupprimerBonjour,
RépondreSupprimerVoici quelque temps que je lis votre blog et me régale de vos images (broderies, gravure et photos).
Merci pour le lien vers les galeries de ces brodeurs.
Je suis moi même brodeuse : et je peux vous dire que broder dans un train est difficile pour deux raisons :
- l'une technique : le train bouge ! le TGV breton bouge même plutôt beaucoup en réalité !
- l'autre psychologique : tout le monde veut savoir ce que vous faites. C'est un excellent moyen de lier connaissance ceci dit. Ça déclenche un vrai mouvement de curiosité. Je crois que les gens on l'habitude de voir du tricot, du crochet mais de la broderie pas encore ! en revanche je n'ai pas du tout perçu de "sexisme" dans les regards interrogateurs. Et si je suis davantage sollicitée par des femmes quand je brode en public, il est très courant que les hommes se penchent sur mon ouvrage.
Je dirai que les réactions sont les même quand on brode que quand on dessine en public : on est beaucoup sollicité. Mais pas plus. Ni moins. Ni différemment.
Merci pour votre blog donc et à bientôt.
Merci beaucoup d'avoir pris la peine de m'écrire ce commentaire.
SupprimerEn effet, broder dans le train n'est pas toujours facile ne serait-ce que d'un point de vue technique, je connais moi-même très bien ce fameux TGV breton !
Et oui, c'est vrai que j'ai moi-même cette curiosité qui revient quand j'aperçois quelqu'un créer quelque chose (dans la rue, notamment, quelqu'un qui fait des croquis par exemple... alors que je déteste être observé par-dessus l'épaule quand je dessine, ce qui me rend complètement incapable de le faire en pleine rue).
Bel après-midi, et à bientôt par ici.
C'est vrai que cette image du crochet, de la broderie ou du tricot uniquement réservée aux femmes est toujours un problème aujourd'hui, même si ça tend de plus en plus à ne plus l'être. De plus en plus d'hommes assument leur passion pour ces domaines, via Instagram ou même simplement dehors, comme _charleshenry_ que tu as cité plus haut.
RépondreSupprimerC'est la même chose pour les préjugés qui sont fait comme quoi ces activités sont pour les grand-mères. Mais on arrive de plus en plus à "déringardiser" ça, via les réseaux sociaux ou par de petits gestes, comme crocheter, broder ou tricoter dans le train. Quand j'ai commencé le crochet, j'avais aussi du mal à sortir mon ouvrage dans les lieux publiques, j'étais mal à l'aise à l'idée qu'on allait me regarder... Jusqu'au jour où j'ai réussi à faire abstraction de ça. Et maintenant, les trajets en train me paraissent moins long. :)
Tu as parfaitement résumé les choses !
SupprimerMerci pour ton commentaire très intéressant.